jeudi 15 décembre 2016

Confidences




Félix et Chantal - rue des Phalènes

Félix et Chantal ont tenu le salon de coiffure TOP COIFFURE, rue Saint-Vincent de Paul durant plus de vingt ans. Félix est parti à la retraite en janvier 2012.
C’était un salon qui est resté fermé 3 ans et ils ont remonté l’affaire en repartant de zéro. Le Sablar est un quartier qui est familier et sympathique avec un esprit de convivialité qu’ils ne retrouvent pas dans le centre ville de Dax. Tous leur collègues commerçants ont regretté de quitter le quartier. Pendant des années, le samedi soir après le travail, ils allaient tous ensemble prendre l’apéro entre commerçants au CAFE DU PONT. Dans ce café c’était incroyable le monde qu’il y avait et puis il a fermé.
Lorsqu’ils sont arrivés dans le quartier, Félix et sa famille a habité un appartement de l’immeuble le  Goya, le salon de coiffure était dans la galerie marchande, juste en dessous. A l’époque, tous les locaux étaient occupés, librairie, esthétique, encadreur, tissus au poids… et au 1er étage il y avait une salle de gym. Maintenant, c’est le désert. Certains ont cru au miracle en partant s’installer dans les centres commerciaux. Des rues entières se vident de leurs commerces. C’est préoccupant.
Avant de reprendre TOP COIFFURE, Félix est resté 11 ans dans le Béarn avec un associé. Ils habitaient à Navarrenx. Chantal était dans la comptabilité mais elle a été licenciée car elle avait la crampe de l’écrivain. Elle a été reconnue travailleur handicapé alors elle s’est reconvertie dans la coiffure.
Félix travaille encore deux jours par semaine au salon, il ne peut pas s’en passer. Maintenant c’est sa fille, Christelle qui le tient. Il a des clientes qu’il suit depuis des décennies et il a besoin d’être en contact avec les gens.
On a toujours dit qu’après le confessionnal c’est chez le coiffeur que les gens se confient. Il est prêt à encaisser toutes les confidences et reste discret. Certaines clientes disent « je vais chez le coiffeur pour me détendre », elles oublient les aléas du quotidien. Dans 80 % des cas, une cliente veut que l’on soit à son écoute. Au début de son mariage, Chantal ne comprenait pas qu’en rentrant chez lui, Félix avait besoin de faire le vide et de ne pas parler. Il n’allait pas lui raconter les petites histoires des unes et des autres, que le chien de madame une telle était mort et qu’elle était au fond du trou.

En 91, grâce à Monsieur et Madame Rosa ils ont trouvé un terrain rue des Phalènes et ils se sont embarqués dans la construction d’une maison. Ici c’est calme et l’ambiance entre voisins est sympathique. Chaque année ils organisent le repas des voisins et le soir du réveillon de Noël avec Papy Rosa, Félix participe à l’illumination du quartier du Sablar dans les rues alentours, organisée par les BARRICAÏRES. De 17h45 à 19h30, ils installent des petites bougies tous les 5 mètres depuis le rond-point d’AUTOVISION jusqu’au bout de l’allée Pampara et dans la rue des Phalènes, c’est une bougie tout les 2 mètres. D’autres membres des BARRICAÏRES en installent rue des Jonquilles, rue des Peupliers et rue des Vergnes. Le Sablar s’illumine pour fêter Noël.

Donner et recevoir




Rolande –Rue des Vergnes

Sur cette photo ce sont ses deux fils Eric son aîné et le second Didier. Cette photo a été prise au studio Raymond, dans les années 60.
Rolande est Castetière c’est à dire qu’elle est née à Castets, à 20 km d’ici, sur la route de Bordeaux.
Elle est arrivée au Sablar en 1964, l’année de son mariage avec Roger. En 1952, elle était entrée comme employée  de maison chez Maître Max Moras, le Maire de Dax. C’est lui qui les a mariés.
Elle a continué à travailler chez les Moras comme femme de ménage et Madame faisait appel à elle pour les grands repas. Rolande a toujours été une bonne cuisinière. Elle avait appris chez les sœurs à coudre, à broder, à cuisiner et à tenir une maison.
Cette année il n’y aura pas de foie frais à Noël à cause de la grippe aviaire.
Le mari de Rolande est né au Sablar, rue de la gare et quand elle s’est mariée, elle a aménagé chez sa belle-mère. Ensuite Roger et Rolande ont eu un logement HLM à Lespes, dans une des tours. Ils y sont restés 10 ans et en 77 Max Moras a pu leur faire avoir cette maison. C’est malheureux à dire mais il n’y a que le piston qui marche pour avoir un logement social. Elle en avait marre des tours avec du monde dessus et dessous. Au début tout se passait bien, c’était très calme mais après ça c’est un peu gâté.
Roger était la mascotte de l’USD, Union Sportive de Dax, le club de rugby. Tout petit les joueurs le faisaient suivre partout. Il a toujours joué au rugby. Son surnom « petite mascotte » lui est resté. Il était secrétaire chez CASTEX- plumes et duvet - jusqu’à son pépin cardiaque. Ensuite il est devenu vendeur indépendant dans la literie.
Rolande a travaillé aux Thermes puis en 1994 elle est partie travailler comme femme de chambre au SPLENDID où elle est restée jusqu’à la retraite. A l’époque elle doublait sa paye avec les pourboires. Maintenant les gens ne donnent plus comme autrefois.
Roger est décédé en 94 et leur fils cadet Vincent en décembre 95. Il aurait fait 41 ans le 15. Maintenant elle arrive à en parler facilement, avant elle ne pouvait pas l’évoquer. Souvent, Rolande communique avec eux. Quand Vincent était dans le coma, elle lui a demandé ce qu’elle devait faire pour l’aider. Elle a ressenti une grande chaleur et a reçu l’information qu’il était juste de donner ses organes pour sauver d’autres vies.
Que l’on sache donner si on veut recevoir. La vie ne fait pas de cadeau. Rolande est d’une famille de diabétiques. Sa grand-mère paternelle se mettait des sangsues derrière les oreilles pour nettoyer son sang. Elle partait avec elle dans les ruisseaux pour les attraper. Elle est décédée très âgée. Elle ramassait la carotte sauvage et les fleurs de camomille.

Rolande anime l’association les BARRICAÏRES avec son fils Didier qui en est le président. Cette association de quartier s’est créée pour proposer des animations aux habitants du Sablar. Chaque année en mai, ils organisent un grand loto, des jeux pour les enfants et un repas. L’année dernière, au menu c’était salade landaise avec graisserons et boudin, croupions, fromage et dessert. Un grand chapiteau est dressé sur la place du Maréchal Joffre et le dimanche pour clôturer les festivités c’est les floralies. 

mercredi 14 décembre 2016

Authentique




Henri Gérard Laborde – Rue des Narcisses

Gérard est né dans le bas Sablar, 90 avenue de Strasbourg (avenue des Tuileries) pendant la guerre, en 1943. Sa mère lui racontait qu’elle crachait dans les képis des officiers allemands qui venaient dans le plus beau magasin de lingerie de Dax, où elle travaillait. C’était rue des Carmes à la MANUFACTURE TRESAUGUE. Elle était sténo-dactylo mais en fait elle faisait marcher l’entreprise.
Les gens ne parlaient pas de ce qui s’était passé durant la guerre. Pour faire sortir les histoires des gens il faut s’accrocher !
En ce moment, Gérard travaille sur l’histoire des américains à Dax en 1918. A Dax, même les édiles locales ne savent pas que les américains sont venus. Il y a une occultation de la mémoire collective sur bien des choses.
Il est resté au  Sablar jusqu’en 1956, il y a fait sa communion et même s’il allait en colo chez les curés, il distribuait l’Humanité dimanche sous les portes avec sa grand-mère. Il allait plutôt au patronage des curés pour y jouer au foot. Au patronage laïc des normaliens c’était pas son truc.
Au Sablar, il a fréquenté  l’école du Cap dou poun (tête du pont). Aujourd’hui il reste encore le mur des pissotières de l’école.
Gérard est dacquo-dacquois et il est une référence dans l’histoire locale. Il a écrit plusieurs livres dont les plus fameux sont un ouvrage sur la course landaise et l’autre sur Maurice Boyau, le 5eme as français de la grande guerre. 35 victoires homologuées. Dax l’a récupéré mais il est né en Algérie.
Les gens de Dax n’ont jamais été gaulois. Ils étaient gascons et moitié sarrasins. La Gaule s’arrêtait au nord de Bordeaux.
Gérard a vécu 25 ans à Pomares, il était instituteur et directeur de l’école. Il n’a jamais dit aux gamins que leurs ancêtres étaient gaulois. Il n’a jamais transigé avec ça.
Depuis Tartas, il partait des amphores remplies d’ortolans pour faire manger les empereurs romains, César et Néron.
L’histoire lui a toujours posé problème dans sa carrière d’enseignant car elle est remplie de mensonges et de falsifications. Il se demande même si la vraie histoire existe. Selon que vous êtes dans un camp ou dans l’autre elle sera très différente. Il faut toujours garder son libre arbitre contre vents et marées.
Quand il était petit les Albaladego habitaient juste derrière chez lui. Tout le monde prenait l’air le long de l’Adour, ils étaient chaque soir 50 ou 60 assis sur le parapet. Ils jouaient aux quilles chez PEYROUX. A cette époque il y avait la vie. Les gens vivaient réellement les uns avec les autres.
Cette impression de vie authentique et spontanée il la retrouve à la chasse car la chasse vient du fond des âges.


Trouver sa voie




Zhana–Rue Saint-Vincent de Paul

La famille de Zhana est originaire d’un petit village dans les montagnes au sud de la Bulgarie, tout près de la frontière avec la Grèce qui s’appelle Kesten. Ses deux grand-mères y vivent toujours. Ses parents y sont nés. Il n’y a pas de route, juste un chemin de pierre pour y accéder. Chaque été, elle s’y rend avec son mari et ses filles.
Zhana m’offre une tisane de Mursalski tchaï qui est cultivé dans ces montagnes.
Elle s’est mariée avec Siméon en 2009 et ils ont décidé de venir en France parce qu’en Bulgarie c’était dur surtout au niveau du salaire. Le salaire minimum est très bas alors que le niveau de vie est pratiquement le même qu’en France.
Ils ont débarqué à Marseille chez une cousine et tout de suite Siméon a trouvé du travail dans le bâtiment avec le mari de la cousine. Par des relations, ils ont été tous les deux recrutés pour se mettre au service d’une dame atteinte de la maladie d’Elzeimer qui habitait une propriété à Momuy près d’Hagetmau. C’est comme ça qu’ils ont atterri dans les landes. Ils étaient logés. Zhana s’occupait de la dame et Siméon bricolait. L’employeur leur a fait les papiers et ils étaient en règle. L’histoire s’est mal finie et ils ont eu 48 heures pour quitter les lieu. Heureusement qu’ils avaient assez épargné pour s’acheter une voiture. Ils ont filé vers Dax et se sont installés dans un studio au Sablar, derrière le cinéma. Le propriétaire n’était pas trop regardant sur leur situation précaire du moment qu’il touchait le loyer. Puis Zhana est tombée enceinte et il a fallu qu’il trouve un appartement plus grand. Ils sont arrivés dans celui-ci deux jours avant la naissance de Christine.
Siméon aimerait avoir une maison. En Bulgarie, la plupart des gens on leur propre maison et les parents essayent toujours d’assurer le logement à leurs enfants pour qu’ils fondent une famille. Là-bas avant de se marier il faut avoir la maison. Mais actuellement cette pratique se perd un peu, surtout dans les grandes villes.  
Zhana parle parfaitement le français car elle a étudié le français au lycée bilingue puis à la faculté. Elle a un diplôme de traductrice. Elle a fait plein de petits boulots en intérim. Elle a fait les asperges en saisonnière à Castex. Puis elle a repris ses études pour être institutrice en faisant une année spéciale Métiers de l’enseignement. Elle a bossé jours et nuits pendant un an : la biologie, la physique, les maths, le français,  l’EPS, la psycho, le développement de l’enfant… Elle a validé toutes les matières mais n’a pas réussi le concours. Pour l’instant, elle a abandonné cette piste. Elle suit ses ambitions et ne se laisse pas faire aussi a-t- elle passé le CAP Petite enfance en candidat libre. Avec son CAP en poche, elle s’est présentée au  concours pour être ATSEM (agent territorial spécialisé des écoles maternelles)  le 17 octobre, elle attend les résultats. Il y a 1500 candidats pour 40 places. En attendant, Zhana a été embauchée en contrat aidé à la Mairie de Dax pour travailler dans une école, elle est à la cantine et à l’animation en renfort, cela lui fait de l’expérience. Le plus dur était de trouver sa voie.